Musap
Cette "carte postale", première d'une trentaine, a été écrite par Musap, originaire du Soudan, alors qu'il était sur son embarcation sur la Méditerranée.
Il dresse un portrait de cette tragédie partagée par tant de migrants. Elle s’intitule « Sur le bateau ».
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« Sur le bateau »
« Mon amie et moi sommes sur le siège arrière, derrière le moteur,
Comme je suis derrière le capitaine, tout le monde croit que je suis le second.
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Ça semble bien, mais ça ne l'est pas.
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Après une journée à naviguer sur la Méditerranée, le capitaine tombe malade.
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Il vomit partout et tout le monde me regarde.
Je n'aime pas la manière dont ils me demandent de le remplacer, je sens que c'est plutôt un ordre.
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Ils me demandent de conduire, je demande le prix.
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Et voici l'accord : cela coûtera un gilet de sauvetage, taille M pour ma reine noire.
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Parce que j'avais vu certains migrants porter un gilet de sauvetage avec une bouée, et que je n'avais jamais eu les 30 dollars pour lui en acheter un.
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Certains disent "ok donnez-lui en un" et certains disent "ne lui en donnez pas".
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Au même moment arrive une grosse vague, qui frappe l'avant du bateau, et le retourne.
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Je n'arrive pas à la retrouver.
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Naviguer sur un Zodiac neuf de marque Yamaha est impossible.
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Nous avions prévu de fonder une famille lorsque nous aurions rejoint l'Italie,
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De l'eau salée sur le visage, je n'entends plus rien, comme si j'étais sourd,
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J'attends le bateau des secours, bien qu'il ne nous reste plus de temps, je n'arrive pas à la retrouver,
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Les requins nous entourent et ce ne sont pas nos cris qui les attirent.
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La croix rouge est là, un gros bateau avec un gros moteur kia.
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Nous avons été secourus, mais elle ne respire plus. »
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